Linguistique de l’écrit

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Comparaison des procédures de reformulations orales et écrites chez des locuteurs francophones de 18-20 ans

Claire Martinot

mercredi 4 décembre 2019

14:45 - 15:30

Lors de la restitution d’une histoire, les sujets rendent compte de la «substance» et des formes énonciatives, lexicales, syntaxiques, argumentatives de cette histoire. Selon que la modalité de restitution du désormais texte source (TS) est orale ou écrite, les reformulations des séquences prédicatives du TS seront effectuées selon des procédures différentesdues, entre autres, au fait quela modalité orale est première tandis que la modalité écrite a lieu dans un second temps; que la production orale est en général plus naturelle, plus accessible que la production écrite même si la production orale est synchrone par rapport à la pensée tandis que la production écrite bénéficie d’un temps de réflexion et d’une trace permanente du «déjà-écrit». Enfin, chez des locuteurs de 18-20 ans, la langue, ici le français, est non seulement acquise mais le «style» oral est nettement différent du «style» écrit, ce qui n’est pas le cas chez des enfants de moins de 10 ans.

L’objectif de la présente étude est de comparer comment les mêmes séquences prédicatives sources sont reformulées à l’oral puis à l’écrit par le même locuteur. L’analyse des procédures de reformulation orales a fait l’objet de nombreux travaux, notamment dans le cadre acquisitionnel (Martinot et al, 2018) et les résultats ont montré d’une part que les procédures évoluaient d’une tranche d’âge à l’autre (ibid. enfants de 6, 8 et 10 ans) et d’autre part que les procédures sont comparables dans la même tranche d’âge pour des langues maternelles différentes (ibid. français, italien, croate, polonais). Les procédures de reformulation sont les modes de transformation que le locuteur applique à une prédication source lors de la restitution de cette même prédication. Elles sont au nombre de neuf: reformulation par répétition, par changement d’information, par équivalence sémantique, cette troisième procédure rassemblant des paraphrases analytiques(lexicales et syntaxiques) ou au contraire synthétiques (lexicales et syntaxiques), des paraphrases formelles (transformations et restructurations) et des paraphrases sémantiques ou interprétatives. Ces neuf procédures sont plus ou moins complexes à mettre en œuvre, les répétitions sont par exemple les moins complexes, ne nécessitant que la mémoire du locuteur ou du scripteur, tandis que les paraphrases par restructuration sont très complexes, dans la mesure où le changement formel de structure maintient à la fois le lexique et le sens de la prédication.

Notre étude se focalisera sur un certain nombre de phénomènes complexes présents dans le TScomme par exemple les prédications secondes (Havu & Pierrard, 2012). L’hypothèse est que les procédures de reformulation utilisées à l’oral tendent vers une simplification des prédications sources tandis qu’à l’écrit, les scripteurs tentent de maintenir le degré de complexité du TS. Parallèlement au degré de complexité attesté dans les productions orales puis écrites, les procédures mises en œuvre sont différentes à l’oral et à l’écrit. Nous tenterons également de repérer si lors de la seconde passation (écrite), les scripteurs s’appuient sur leur propre restitution orale antérieure ou si, au contraire, ils l’inhibent. Ce résultat peut fournir aux enseignants des informations sur l’usage qu’ils peuvent faire de l’oral comme support nécessaire ou non de l’écrit.

Le texte source, lu à haute voix par l’expérimentateur avant la passation orale individuelle puis, une semaine plus tard, avant la passation écrite collective est celui du protocole expérimental mis au point dans Martinot et al (2018), voir en particulier Bošnjak Botica et al (2018, 35-38). Il s’agit d’une histoire racontant la rencontre puis l’amitié entre une petite fille et un petit garçon. Cette histoire a été conçue, à l’origine, pour des enfants de 4 à 10 ans. De façon surprenante, le groupe de jeunes de 18 à 20 ans, dont les reformulations font l’objet de notre étude, a, sur la suggestion de leur enseignante de français, insisté pour raconter à leur tour l’histoire, à l’oral et à l’écrit. Ces jeunes, au nombre de 15, fréquentent une classe de BTS d’un lycée du nord de Paris.