Linguistique de l’écrit

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Comparaison oral/écrit dans des rappels de récits produits par des jeunes adultes scolarisés de 19 ans

Claire Martinot Valérie Lambert

pp. 167-209

Résumé

L’analyse comparative d’un rappel de récit produit à l’oral puis une semaine plus tard à l’écrit, par 15 locuteurs-scripteurs scolarisés de 19 ans, immédiatement à la suite d’une lecture faite par l’expérimentateur, permet de repérer où se situent les différences les plus remarquables. De façon surprenante, le contenu informatif (substance) de l’histoire, très facile pour de jeunes adultes, diffère fortement entre l’oral et l’écrit. En revanche, la différence dans l’organisation prédicative en restitution orale (RO) et en restitution écrite (RE) était attendue. Cependant, l’organisation prédicative en RE reste étonnamment éloignée de celle du texte source (TS), malgré une seconde lecture. Relativement aux prédications complexes (PCx) du TS, les locuteurs-scripteurs simplifient majoritairement l’organisation prédicative (28% de PCx en RO, 32% en RE contre 79% dans le TS). On constate cependant une certaine disparité entre les locuteurs-scripteurs, quelques-uns produisant en RO quelques prédications très complexes. Les PCx produites dans les RE sont plus uniformes et ne sont jamais constituées de plus de trois prédications élémentaires, comme dans le TS. Enfin, les procédures de passage entre le TS et les restitutions (reformulations) sont plus nombreuses et plus complexes à l’écrit (en dehors de quelques cas de répétitions).

Lines

Introduction

1La question de savoir si un locuteur exprime les mêmes informations à l’oral et à l’écrit pose le problème de l’influence éventuelle de la forme sur le sens. Forme orale et forme écrite de la langue peuvent-elles véhiculer exactement les mêmes informations ? Sans voix (Ibrahim 2014), sans prosodie, sans mimiques, sans hésitations, sans auto-reformulations, la langue écrite peut-elle « dire » la même chose que la langue orale ? A l’inverse, un texte écrit, constitué de mots séparés les uns des autres par des blancs et des signes de ponctuation, disposé sur une page de façon dense ou aérée, choisissant tels ou tels mots, montre-il autre chose que le « même » texte transposé à l’oral ?

2Au niveau de la seule construction verbale de l’information, on ne raconte pas le même événement ou la même histoire de la même façon selon le medium, oral ou écrit que l’on utilise (Koch & Oesterreicher 2001). En effet, en plus des particularités exclusivement liées au medium, évoquées ci-dessus, l’organisation prédicative qu’adoptera un locuteur pour raconter une histoire se réalise différemment selon que le récit est produit à l’oral ou à l’écrit. Dans un récit oral spontané, le locuteur, par exemple, a tendance à se positionner d’abord en tant qu’énonciateur : (1) moi c’qui m’intéresse …, puis à situer le lieu, le moment dont il veut dire quelque chose : (2) dans les années 50 américaines…, avant de fournir l’information principale : (3) c’est l’délire (Ibrahim 2015, 443 ; Stabarin & Martinot 2020, 28-29). Le même récit produit par le même locuteur à l’écrit verrait un déplacement du prédicat avec translation : les années 50 américaines sont délirantes et c’est cela qui m’intéresse ou même une modification de ce dernier : c’est le délire des années 50 américaines qui m’intéresse.

3Cependant, la question posée plus haut, de l’influence des formes sur le sens, se heurte au choix – illusoire - d’un protocole adéquat qui permette de comparer la langue orale et la langue écrite dans les mêmes conditions de production : le même locuteur dit la même chose, au même destinataire, sur le même lieu, et en même temps à l’oral et à l’écrit. Faute de découvrir ce protocole idéal, la description de la langue produite risque de devenir la description de la situation de production. Notre objectif est de relever malgré tout ce défi et d’examiner comment les mêmes locuteurs-scripteurs restituent le même texte source (TS) à l’oral puis à l’écrit, en nous focalisant essentiellement sur l’organisation prédicative résultant de chaque mode de restitution. L’organisation prédicative d’un texte oral ou écrit associe en effet le contenu informatif, la substance (Saussure 2002, 48) aux formes, c’est-à-dire aux constructions prédicatives et infra-prédicatives, qui le véhiculent. On postule que la présence d’un même texte source pour tous les locuteurs-scripteurs contraindra fortement le contenu informatif et permettra de focaliser notre attention sur les formes, qui seront, ou non, semblables à l’oral et à l’écrit.

4Nos hypothèses de recherche sont les suivantes :

  • Le contenu informatif restitué est le même à l’oral et à l’écrit.
  • L’organisation prédicative à l’oral sera beaucoup plus éloignée de celle du TS que l’organisation prédicative de la restitution écrite.
  • Le passage du TS écrit à sa restitution orale (RO) se fait plus souvent selon des procédures de simplification tandis que le passage du TS écrit à sa restitution écrite (RE) maintient la complexité du TS.
  • La restitution orale et écrite faite par de jeunes adultes devrait faire émerger des procédures de reformulation nouvelles par rapport à celles qui ont été analysées chez les enfants de 6 à 10 ans à l’oral (Martinot et al 2018).

5Après avoir justifié le choix du protocole utilisé (1), nous rassemblerons les phénomènes linguistiques (2) qui semblent être propres au medium (Béguelin 1998, Berrendonner 2004, Blanche Benveniste 2010, Cappeau, 2018, 415). Nous examinerons ensuite dans quelle mesure l’organisation prédicative et les procédures de reformulation sont spécifiques à la restitution orale et à la restitution écrite (3).

1 | Protocole de recueil du corpus

6Nous utilisons un protocole mi-expérimental mi-écologique, qui a déjà été mis en œuvre dans nos travaux sur l’acquisition et la reformulation, voir entre autres Bošnjak Botica et al (2018, 31- 42).

  • Le texte source

7Pour pouvoir comparer les productions discursives de locuteurs-scripteurs différents, le texte source, qui sera restitué par ces derniers, doit être le même, de façon à ce que les formes de la restitution orale et de la restitution écrite puissent être décrites « toutes choses égales par ailleurs ». Il s’agit d’une petite histoire Tom et Julie (500 mots environ, voir annexe) racontant la rencontre puis l’amitié entre un petit garçon et une petite fille. Ce texte a été conçu à l’origine (Martinot 2005) pour des enfants de 4 à 12 ans. On pourrait donc s’étonner que le même texte soit proposé à de jeunes adultes de 19 ans. Deux raisons expliquent ce choix : d’une part, ces étudiants, sur la proposition de leur professeur de français et de culture générale (l’une des auteures de cet article qui est inscrite en thèse sous la direction de l’autre auteure), ont beaucoup aimé l’histoire et ont souhaité la restituer aussi bien à l’oral, tâche qu’ils n’ont pas l’habitude de faire, qu’à l’écrit. D’autre part, la restitution d’un texte facile à comprendre pour des jeunes gens de 19 ans – même si ces derniers ont considéré que le texte était long – nous permet de postuler que le choix des formes restituées ne sera pas limité par des difficultés d’interprétation sémantique. Autrement dit, le contenu informatif étant parfaitement accessible – selon nous – les étudiants auront toute liberté pour l’exprimer en fonction de leurs compétences lexicales et grammaticales effectives, ce qui sera révélé par le degré de complexité syntaxique des énoncés restitués et par les procédures de reformulation mises en oeuvre. A l’inverse, demander à un locuteur-scripteur de restituer un texte peu accessible aux niveaux sémantique ou syntaxique entrainera des lacunes trop nombreuses dans la restitution - ce qu’il ne comprend pas ne sera pas mémorisé et donc ne sera pas restitué – et il sera très difficile à l’analyste de départager la cause de certaines restitutions surprenantes : incompréhension du sens (ponctuel ou global) ou non familiarité avec certaines constructions ?

8Le texte source, tel qu’il figure dans l’annexe est segmenté en 14 séquences narratives. L’analyse que nous ferons ci-dessous concer|nera les séquences 1, 3 et 11.

Ce matin-là, la maîtresse est arrivée dans la cour de l’école plus tard que d’habitude. Elle tenait par la main une petite fille que personne n’avait encore jamais vue.

Tom était fou de joie à l’idée d’avoir peut-être une nouvelle amie. Le soir, chez lui, il a fabriqué une petite boîte ronde, rouge et dorée, pour Julie.

Tout à coup, le tronc s’ouvrit et les enfants furent éblouis par la lumière qui inondait l’intérieur de l’arbre. Ils firent quelques pas et l’arbre se referma derrière eux

9Ces séquences ont été choisies du fait qu’elles contiennent des phénomènes syntaxiquement complexes avec des prédications secondes1 variées (séq. 1 et 3), adjectif opérateur (fou de joie à l’idée), forme passive, proposition relative et complexité sémantique du verbe métaphorique (séq.11). Nous y reviendrons plus bas.

10Ces 3 séquences sont réparties dans l’histoire et véhiculent chacune un contenu informatif décisif pour la suite de l’histoire.

  • Le public

11Les locuteurs-scripteurs sont 15 jeunes adultes de 19 ans, scolarisés dans une classe de BTS industriel (brevet de technicien supérieur) « systèmes numériques » d’un lycée de la banlieue nord de Paris. Les quinze locuteurs sont représentatifs de l’hétérogénéité des profils qui composent une classe de BTS, en particulier au niveau de la langue : certains sont francophones natifs, d’autres sont francophones du fait de leur scolarisation et ont encore des difficultés dans la maîtrise de celle-ci (Perdue 2000 ; Selinker 1972). Les 15 étudiants (sur 20) étaient non seulement volontaires pour participer à cette expérimentation mais très enthousiastes à l’idée de raconter, oralement puis à l’écrit, cette petite histoire qui leur a beaucoup plu. Au moment de l’expérimentation, les étudiants se trouvaient dans un contexte de préparation aux épreuves d’expression écrite (synthèse de documents et expression personnelle). Pour l’enseignante de français, il s’agit de pouvoir repérer si les locuteurs-scripteurs utilisent un même texte source de la même façon à l’oral et à l’écrit, de façon à faire émerger des stratégies éventuellement différentes qui puissent être transférables d’un medium à l’autre.

  • La passation

12La passation se fait en deux temps, avec la même consigne. Dans un premier temps, l’enseignante lit individuellement à chaque locuteur le TS, celui-ci sachant qu’immédiatement après cette lecture, il devra restituer l’histoire oralement selon la consigne suivante : « raconte la même histoire avec tes mots2, sans chercher à reprendre les mots du texte. Essaie de ne rien oublier ». Chaque locuteur est enregistré et chaque enregistrement transcrit par l’enseignante de la classe. Dans un second temps, une semaine plus tard, l’enseignante relit collectivement l’histoire à l’ensemble des locuteurs-scripteurs, qui savent qu’ils devront raconter individuellement, par écrit, la même histoire avec leurs mots, immédiatement après la lecture collective, d’un premier jet, sans travail de réécriture.

13Cette seconde passation sera l’occasion d’analyser, d’un point de vue pédagogique pour l’enseignante, quelles stratégies sont mises en place par les étudiants pour produire leur écrit, en tentant de repérer si les scripteurs s’appuient sur leur propre restitution orale antérieure (Vénérin, 2017) ou si, au contraire, elle est inhibée, la restitution écrite se faisant alors directement à partir de la seconde lecture3 du TS (écrit) relu. Interrogeant le rôle de l’oral (Boré 2002) en tant que support nécessaire ou non de l’écrit, ce résultat pourra fournir des informations sur la manière d’améliorer l’expression écrite des étudiants.

14Remarques : avant de restituer l’histoire à l’écrit, les étudiants ont donc entendu deux lectures, à une semaine d’intervalle, et ont produit une première restitution (orale). On s’attend donc à ce que la restitution écrite soit beaucoup plus fidèle au TS, sur le fond comme sur la forme, que la première restitution orale. Par ailleurs, nous avons choisi de faire faire d’abord la passation orale, qui corres|pond ici au passage d’un texte écrit à un texte oral, de façon à ce que l’oral soit le moins influencé possible par l’écrit et donc plus authentiquement fidèle à la langue parlée par les locuteurs. L’inconvénient de cet ordre est que la restitution orale sera sans doute plus difficile à réaliser, d’autant que cet « exercice » n’est pas habituel. Enfin, comme dit précédemment, l’enseignante de la classe a besoin de savoir dans quelle mesure l’entrainement de la parole orale peut être exploité dans l’écrit.

15Le recueil du corpus, 15 restitutions orales (RO) et 15 restitutions écrites (RE), a eu lieu au lycée même des étudiants et de leur enseignante.

16Les conventions de transcription pour les restitutions orales sont celles du GARS (Blanche Benveniste 1990). Les erreurs attestées à l’oral sont transcrites telles quelles (exemple : *ouvra au lieu de ouvrit). De la même façon, l’orthographe des restitutions écrites sera conservée dans les exemples que nous analyserons plus bas. Dans les deux cas, nous signalerons les mots erronés par un astérisque placé devant.

2 | Phénomènes spécifiques au medium

17Avant d’analyser l’organisation prédicative en RO et en RE, nous rassemblons un certain nombre de phénomènes, dont la plupart a déjà été signalée dans la littérature. Nous les rappelons sans les quantifier, l’objectif étant, dans cette partie, de repérer leur présence ou leur absence à l’oral et à l’écrit. Ces phénomènes sont toujours introduits par les locuteurs-scripteurs, ils ne sont donc pas présents dans le TS.

2.1. En restitution orale : auto-reformulations, disfluences, marqueurs discursifs, modalisateurs, dispositifs en il y a N qui

18Exemple illustratif de restitution orale par l’un des locuteurs :

un jour sa sa maîtresse elle est arrivée un peu plus tard que prévu avec une avec une petite fille qui s’appelle Julie c’était une nouvelle camarade de la classe de Tom

Tom était était très content parce que il s’est dit qu’il allait avoir une nouvelle amie du coup le soir même il allait préparer une boîte de rouge et dorée pour pour Julie

et le tronc de l’arbre s’ouvrait et tous tous les jeunes étaient surpris après après je pense qu’ils étaient partis de l’autre côté ils sont rentrés sur l’arbre

19Exemples d’auto-reformulations :

donc un beau matin en fait c’était à l’école donc Tom était en cours à l’école et alors il y a une petite enfant qui s’appelait Julie qui est arrivée à l’école

il est très content très heureux

20Exemple de disfluences :

ce ce grand arbre s’ouvrit…non… s’est ouvert et…a créé…et a ouvert…en fait l’arbre a ouvert une porte

21Exemples de marqueurs discursifs :

et donc d’un coup le tronc d’arbre s’ouvre et donc la lumière les éblouit

donc un beau matin en fait c’était à l’école donc Tom était en cours à l’école et alors il y a une petite enfant qui s’appelait Julie qui est arrivée à l’école

22Exemples d’utilisation de modalisateurs :

et puis il va s’ouvrir après je crois qu’il y aura de la lumière

tous les jeunes étaient surpris après après je pense qu’ils étaient partis de l’autre côté

23Exemples de dispositifs en il y a N qui :

donc un beau matin en fait c’était à l’école donc Tom était en cours à l’école et alors il y a une petite enfant qui s’appelait Julie qui est arrivée à l’école

2.2. En restitution écrite : nombreux adverbes, noms abstraits, adjectifs verbaux et lexique verbal relativement soutenu

24La plupart des scripteurs de notre corpus ont un style4 écrit bien différent de leur style oral. Cette différence est attestée dans les 3 séquences.

25Exemple illustratif de restitution écrite par S (voir plus haut la RO du même étudiant) :

Un jour la *maitraisse de Tom était arrivée *plutard que prévu.Elle tenait la main d’une fille qui s’appelle Julie, la nouvelle camarade de la classe de Tom.

Tom était tout content parce qu’il allait avoir une nouvelle amie. Le soir de ce jour là, Tom avait fabriqué une boîte ronde de couleur rouge et *doré pour Julie.

Le *tront s’est ouvert, il y *avais une lumière très puissante. Suite à l’ouverture du *tront, qui *avais étonné les élèves Tom et Julie étaient *parti de l’autre côté du *tront

26Présence de nombreux adverbes (énonciation, intensité, temps)

la maîtresse est *arrivé * étonnament en retard à l’école

Un jour de semaine, dans une école, un matin, une maîtresse, contre *toutes attentes, arriva en retard (…) versus RO - (…) une jeune fille ramenée par sa maîtresse un matin après un retard conséquent et remarquable5

C’était un matin en apparence comme un autre mais cette *matiné là, la maitresse entra dans la classe versus RO - c’est une maîtresse qui arrive le matin dans sa classe

tout d’un *coups cette dernière arriva …

Tom accepta avec joie versus RO - Tom tout content

Tom était très content car il pouvait enfin se faire une amie versus RO - Tom se mettait en tête que Julie allait devenir sa nouvelle petite amie

(tourner sur lui-même pour s’ouvrir) dans un éclat lumineux versus RO - il y aura de la lumière

27Exemples de noms abstraits (classifieurs, prédicats), groupes nominaux complexes

Une explosion de joie surgit au fond de Tom versus RO - Tom était très heureux

Tom fabriqua une boite ronde, de couleur rouge et dorée versus RO - c’est une boîte rouge et or

elle était ronde, d’une couleur rouge

une boîte ronde de couleur rouge et *doré

suite à l’ouverture du *tront, qui *avais étonné les élèves

28Exemples d’adjectifs, souvent redoublés

après un retard assez conséquent et remarquable

Ce dernier, fier et même heureux d’avoir une nouvelle camarade

Tom était tout content et *exiter d’avoir … une boite ronde *coloré en rouge

29Exemples d’adjectifs verbaux

Une lumière aveuglante s’en échappa versus RO - une lumière qui venait de l’arbre

*Un lumière *resplandissante sortait de l’arbre

30Exemples de verbes relativement soutenus

ce dernier … prit l’initiative de lui fabriquer une boîte versus RO - le jeune homme décide de lui faire un petit cadeau

un monde merveilleux s’ouvrit à eux versus RO - *ouvra un passage vers un monde merveilleux

Une lumière aveuglante s’en échappa versus RO - une lumière qui venait de l’arbre

cette porte ouverte *dégager beaucoup de lumière de l’intérieur d’elle-même

une lumière surgit de l’intérieur de l’arbre

31Les verbes utilisés en RE convoquent, très probablement, des passages de lectures antérieures. Par comparaison, les verbes utilisés en RO font partie du lexique verbal courant (ex. RO : une lumière sortit du tronc versus RE : surgit, s’en échappa).

32Les adverbes, les noms abstraits, les adjectifs verbaux et les verbes décomposables (Martinot 2017) ne font pas partie des phrases de base de la langue, ou des phrases élémentaires (Harris 2007[1988], 62) mais des phrases dérivées (ibid.), qui correspondent à un plus grand degré de complexité. La plupart des adjectifs et des adverbes ne sont pas nécessaires à la construction d’une prédication élémentaire, ils sont donc ajoutés (pour former une phrase dérivée), par ailleurs, les noms abstraits sont acquis (par les enfants) beaucoup plus tardivement que les noms concrets (Bassano 1998, 23), et les verbes décomposables renferment plusieurs éléments de sens, ce qui les rend plus complexes d’un point de vue sémantique 6. Il est clair, au vu de ces exemples, que les étudiants ont cherché à bien écrire et cela se manifeste par une plus grande complexité syntaxique (ajout d’adverbes et d’adjectifs) et lexicale (verbes et noms). On doit cependant remarquer une grande disparité entre les étudiants, dont certains ont produit des restitutions écrites extrêmement élémentaires :

Puis l’arbre s’est ouvert en deux. Il rentre dedans puis l’arbre se referma

et s’ouvre

Et le tronc s’ouvrit, ils firent quelques pas. Une fois à l’intérieur le tronc se ferma

3 | Organisation prédicative à l'oral et à l'écrit

33L’interprétation du sens de l’histoire Tom et Julie, comme de tout texte, résulte d’un enchainement de ce que nous appelons, à la suite de Harris (2007, 36) puis de nombreux linguistes (Ibrahim 2009), des prédications. Celles-ci sont plus ou moins complexes. Une prédication élémentaire ou simple véhicule une information dans une construction syntaxique complète. Une prédication complexe est constituée d’au-moins deux prédications élémentaires, dont une seule est complète syntaxiquement, l’autre ou les autres étant présentes sous une forme réduite (voir note 1). Ainsi par exemple, la séquence 1 de l’histoire est constituée de deux prédications complexes (P1 et P2) :

Ce matin-là, (P1) la maîtresse est arrivée dans la cour de l’école plus tard que d’habitude. (P2) Elle tenait par la main une petite fille que personne n’avait encore jamais vue.

34P1 est constituée d’une prédication principale (P1a) : la maîtresse est arrivée dans la cour de l’école et d’une prédication seconde (P1b), nécessairement réduite : plus tard que d’habitude, que l’on reconstruit en : la maîtresse est arrivée plus tard que d’habitude. P1, prédication complexe, véhicule bien deux informations, dont la plus pertinente pour la suite de l’histoire est la prédication seconde.

35P2 est constituée d’une prédication principale (P2a) : Elle tenait par la main une petite fille et d’une prédication seconde réduite (P2b), relative explicative : que personne n’avait encore jamais vue, que l’on reconstruit en : personne n’avait encore jamais vue cette petite fille. Comme précédemment, l’information la plus pertinente pour la suite de l’histoire est la prédication seconde.

36Cette description fournit l’organisation prédicative de la séquence 1 de l’histoire. Comparons, à titre d’illustration, de quelle façon l’un des étudiants, Md, a organisé la restitution de la séquence 1 à l’oral et à l’écrit. On peut remarquer en particulier qu’une information du TS peut être présente dans la restitution mais non plus sous une forme prédicative. Dans ce cas, nous sommes amenées à distinguer information (3.1) et prédication (3.2) ci-dessous. Dans le cadre de notre article, de même que dans le cadre de l’appel, cette distinction permet de repérer si une information (substance) fait partie d’une séquence prédicative sans en être le noyau, ex. cette courte histoire leur a plu, ou si cette information constitue la prédication, ou l’une des prédications de l’énoncé, ex. cette histoire, qui leur a bien plu, est courte. Du point de vue de l’organisation prédicative, ce sont les prédications qui permettent de hiérarchiser les différentes informations.

37Exemple de restitution orale

alors un beau jour ([P1a-P2a]-[P2b]) la maîtresse a ramené une nouvelle élève dans une classe

38L’information véhiculée par les deux verbes prédicatifs sources de (P1a) et de (P2a) (arriver dans un lieu, tenir par la main quelqu’un) est présente en RO mais synthétisée par un seul verbe prédicatif (ramener une élève dans un lieu).

39Nous notons cette synthétisation lexicale par les crochets [P1a-P2a]. L’information véhiculée par la prédication source (P2b : que personne n’avait encore jamais vue) est également présente dans la RO mais sous une forme non prédicative (nouvelle élève), nous signalons la présence de cette information également par des crochets [P2b]. Donc, la RO de Md comporte trois informations, issues de (P1a), (P2a) et (P2b) sources mais sous la forme d’une seule prédication7. La prédication source (P1b) (et l’information qu’elle véhicule : plus tard que d’habitude) a été omise.

40Exemple de restitution écrite

Un beau jour, (P1b-P1a) la maîtresse est *arrivé *étonnament en retard à l’école, (P2a) venait avec elle une grande nouvelle, une fille (P2b) que personne n’avait *vu auparavant

41Les deux prédications sources (P1a-P1b) sont restituées en RE, dans l’ordre inverse, sous la forme d’une prédication complexe, la seconde (P1a) étant réduite (P1b-P1a). Le sens de (P1b) est modifié (arriver en retard n’est pas équivalent à (TS) arriver plus tard que d’habitude), et celui de (P1a) moins précis (arriver à l’école versus (TS) arriver dans la cour de l’école). Le scripteur a ajouté dans la première prédication (P1) un adverbe d’énonciation.

42La seconde prédication du scripteur (P2) est également complexe, elle est constituée des prédications (P2a-P2b), la seconde étant réduite. On interprète (P2a) venait avec elle une grande nouvelle, une fille comme une information équivalente à (P2a) source (elle tenait par la main une petite fille). Une fille venant rectifier une grande nouvelle. Quant à (P2b), cette prédication est également sémantiquement équivalente à (P2b) source : que personne n’avait encore jamais vue8.

43L’organisation prédicative de RO et de RE, chez cet étudiant, est très différente dans la forme, celle de RO étant fort éloignée de celle du TS : une seule prédication élémentaire véhiculant trois informations sur les quatre du TS.

44L’organisation prédicative de RE, en revanche, est proche de celle du TS, avec deux prédications complexes, véhiculant quatre informations dans quatre prédications élémentaires, comme dans le TS.

45Avant de rendre compte de l’organisation prédicative proprement dite que font les locuteurs-scripteurs en RO et en RE (3.2), nous allons d’abord comparer quelles informations du TS sont restituées, quelle que soit leur forme, dans les deux media (3.1).

3.1. Informations sources restituées

46Nous rappelons que les informations du TS peuvent être présentes dans les restitutions sous des formes diverses, et pas nécessairement en tant que noyau prédicatif. Par exemple, l’information prédicative source personne n’avait jamais vu cette petite fille (séq. 1) est restituée par l’adjectif nouvelle, que nous considérons comme une information mais pas comme une prédication chez Fa, et dans le premier énoncé de Hz :

47Exemples :

il y a une nouvelle camarade qui fait son entrée dans la classe (nous comptabilisons une seule information, même si elle est redoublée, provenant de : que personne n’avait encore jamais vue)

la maîtresse elle avait une nouvelle personne à ses côtés c’était une nouvelle élève (deux informations provenant de : elle tenait par la main une petite fille - que personne n’avait encore jamais vue)

Ce matin-là, la maîtresse arriva plus tard que d’habitude. Elle était accompagnée de Julie, une nouvelle élève9 (trois informations (sous forme prédicative) provenant de : la maîtresse est arrivée plus tard que d’habitude - elle tenait par la main une petite fille - que personne n’avait encore jamais vue)

48Nous considérons qu’une information issue du TS est présente même quand le sens est légèrement différent, c’est par exemple le cas quand, dans la séquence 3, Ha, ci-dessous, restitue à l’idée d’avoir peut-être une nouvelle amie par d’avoir cette nouvelle voisine :

il est très content très heureux d’avoir cette nouvelle voisine une fois rentré chez lui il prépare un cadeau pour Julie c’est une boîte rouge et or qu’il fabriqua et qu’il offre offrira le lendemain à Julie (cinq informations provenant de : Tom était fou de joie - à l’idée d’avoir peut-être une nouvelle amie – chez lui – il a fabriqué une petite boîte ronde, rouge et dorée – pour Julie)

49Dans cet autre exemple de restitution écrite de la séquence 11, le scripteur, I, produit deux informations (qui sont aussi deux prédications) lorsqu’il écrit :

(tourner sur lui-même) pour s’ouvrir dans un éclat lumineux (…).

50La première (pour s’ouvrir) provient de : le tronc s’ouvrit et la seconde (dans un éclat lumineux = en produisant un éclat lumineux) provient de : les enfants furent éblouis par la lumière.

51Selon ce principe de repérage, nous avons comptabilisé, pour chacune des trois séquences, le nombre d’informations pour l’ensemble des locuteurs-scripteurs, restituées à l’oral et à l’écrit, puis le nombre de locuteurs-scripteurs qui ont restitué plus d’informations à l’oral, plus d’informations à l’écrit ou autant, et enfin les locuteurs qui ont restitué toutes les informations à l’oral ou à l’écrit.

1 2 3 4
N=15 RO RE RO RE = RO RE
Séq.1 30 47 1 10 4 1 6
Séq.3 54 61 2 6 7 3 5
Séq.11 31 43 3 9 3 1 2
Total 115
43%
151
57%
6 25 14 5 13

52Ces résultats indiquent des tendances quantitatives stables d’une séquence à l’autre dans la mesure où les informations écrites sont toujours plus nombreuses que les informations orales aussi bien du fait du nombre de locuteurs (Col. 2 & 4) que du fait du nombre d’informations (Col.1). Plus d’informations ont donc été restituées à l’écrit, et par un plus grand nombre de locuteurs-scripteurs. De façon corollaire, assez peu ont restitué autant d’informations en RO et en RE (Col.3 : séq. 1 et 11). On constate donc, pour la majorité des locuteurs, un écart important en faveur de la RE. Concernant le nombre de locuteurs ayant restitué toutes les informations d’une séquence (Col. 4), la différence est importante pour la séquence 1, en faveur de la RE, elle se réduit ensuite, comme si la mise en route de l’histoire à l’oral (séq. 1) posait plus de difficultés aux locuteurs que la suite de l’histoire. A la fin de l’histoire (séquence 11 sur 14 séquences au total), le tout petit nombre de locuteurs-scripteurs qui restituent toutes les informations peut s’expliquer par l’oubli relatif du dernier quart de l’histoire (ou par une trop grande complexité des prédications sources, nous verrons cela plus bas). Malgré la meilleure « performance » écrite au niveau des trois séquences, elles n’ont pas été restituées, ni à l’oral ni à l’écrit dans les mêmes proportions, la séquence 3 ayant été mieux « réussie » que la séquence 1 puis la séquence 11. Cette disparité ne correspond pas à une plus grande pertinence de l’une des séquences dans le cours de l’histoire.

53Neuf étudiants différents (parmi 15) ont restitué au-moins une séquence complète (sur 6 cas possibles en RO et RE) du point de vue des informations, et un seul a restitué 4 fois toutes les informations. Ce résultat indique une grande disparité parmi les étudiants.

54Si l’on examine maintenant l’origine, dans le TS, de chaque information restituée, parmi les 14 prédications sources des trois séquences, l’information est plus souvent présente, en RO comme en RE, lorsqu’elle provient d’une prédication principale, donc complète syntaxiquement (ex. elle tenait par la main une petite fille - Tom était fou de joie – il a fabriqué une petite boîte ronde, rouge et dorée - le tronc s’ouvrit) que d’une prédication réduite (ex. plus tard que d’habitude - chez lui - qui inondait l’intérieur de l’arbre). En RE, les informations provenant de prédications réduites sont cependant plus fréquentes qu’en RO. Nous allons maintenant vérifier si ces tendances se confirment avec la restitution des prédications sources.

3.2. Prédications sources restituées

55L’organisation prédicative de tout discours oral ou écrit implique que le contenu informationel soit véhiculé par des suites de prédications. Les trois séquences sources, dont nous analysons la restitution orale et écrite, comportent quatre prédications élémentaires pour la séquence 1, et cinq prédications élémentaires pour les séquences 3 et 11, respectivement. Le total des prédications élémentaires pour les 3 séquences est donc de 14, comme nous l’avons déjà signalé. Ces prédications élémentaires existent sous une forme autonome (sans relation hypotaxique) uniquement dans la séquence 11 : le tronc s’ouvrit - ils firent quelques pas - l’arbre se referma derrière eux. Dans les 11 autres cas, les prédications élémentaires constituent, avec la prédication principale, des prédications complexes : deux prédications complexes en séquence 1 et en séquence 3 et une en séquence 11.

56Pour comptabiliser les prédications restituées10 par les locuteurs-scripteurs, nous prenons la même unité prédicative que dans le TS, c’est-à-dire la prédication élémentaire : information véhiculée par une construction syntaxique complète dans le cas des prédications principales ou autonomes, ou par une construction syntaxique réduite, dans le cas des prédications secondes. Nous décomposons donc les prédications complexes des RO et des RE en autant de prédications élémentaires. Toutes les informations construites sous forme prédicative sont comptabilisées (à l’exception des prédications qui ne correspondent à aucun contenu informatif dans le TS, et que nous traiterons à part). Contrairement au mode de comptage que nous avons adopté pour les informations (voir ci-dessus, en 3.1 où les informations redondantes n’ont été prises en compte qu’une seule fois, le focus étant sur le contenu du TS), nous comptabilisons chaque construction prédicative, y compris lorsque le locuteur-scripteur donne la même information sous la forme de trois prédications qui se reformulent les unes les autres. Nous obtiendrons donc un autre type de résultat que celui que nous avons obtenu en 3.1 ci-dessus. Les prédications devraient être plus nombreuses que les informations. Ces deux modes de comptage nous permettent de distinguer plus nettement, la substance (contenu informatif) de la forme (les constructions prédicatives).

N = 15 Nombre total de prédications élémentaires Nb de pr.élém. constituant une prédication complexe Nombre de pr. élém. autonomes
RO 147 (47%) 41(28%) 106 (72%)
RE 166 (53%) 53 (32%) 113 (68%)

57Le nombre total de prédications élémentaires en RO, s’élève à 147 occurrences contre 166 en RE (tableau 2). Et comme attendu, le nombre des prédications restituées est plus élevé que le nombre des informa|tions issues du TS (tabl.1) : en RO, 115 informations (différentes) versus 147 prédications restituées, et en RE, 151 informations (différentes) versus 166 prédications restituées. Mais surtout, la différence entre RO et RE est plus marquée concernant les informations restituées (14 points d’écart vs 6 points d’écart pour les prédications restituées).

58Le nombre total de prédications élémentaires en RO, de même que le nombre de prédications constituant une prédication complexe est légèrement plus faible à l’oral qu’à l’écrit, à l’inverse des prédications autonomes, plus nombreuses en RO.

59Le nombre de prédications complexes sources (largement majoritaire dans les 3 séquences puisque 11 sur 14 font partie d’une prédication complexe) est relativement faible aussi bien en RO qu’en RE (resp. 28% & 32%). De façon corollaire, le nombre des prédications autonomes est majoritaire dans les deux media. La répartition entre les prédications complexes et les prédications autonomes est inversée par rapport au TS (TS : 21% de prédications autonomes). Sur ce point, la différence entre le TS et les RE est très nette.

60Ces tendances quantitatives indiquent que les locuteurs-scripteurs simplifient la construction prédicative du TS dans une grande mesure, y compris en RE.

61Examinons ci-dessous, à titre d’illustration, toutes les restitutions de la prédication réduite (P2b) de la séquence 1, en RO et en RE puis celles des prédications (P2a) et (P2b) de la séquence 11.

N = 15 RO RE
Ha (élève) qui est inconnue
Fa Il y a une nouvelle camarade qui fait son entrée dans la classe
O Julie arriva dans une nouvelle école
Fh
Md que personne n’avait *vu auparavant
Hz C’était une nouvelle élève
Fl (petite fille), nouvelle dans l’établissement
Hu (Julie), une nouvelle élève
I que personne n’avait encore jamais *vu
Ma que personne n’avait jamais *vu
S C’était une nouvelle camarade de la classe de Tom (Julie), la nouvelle camarade de la classe de Tom
G que personne n’avait encore jamais vue à l’école
A que personne connaissait auparavant
Fd
Mo que personne *n’avais jamais vue
Total 4 10

62En plus de la différence quantitative entre les RO et les RE, on peut constater qu’il n’y a pas une seule construction prédicative qui soit commune à l’oral et à l’écrit, y compris quand on compare la prédication autonome de O (RE) : Julie arriva dans une nouvelle école, avec une prédication sémantiquement équivalente en RO : Fa - Il y a une nouvelle camarade qui fait son entrée dans la classe ou S - C’était une nouvelle camarade de la classe de Tom.

63En RO, il n’y a qu’une prédication réduite, la relative en qui de Ha, les trois autres prédications (RO) étant autonomes. Les dispositifs en il y a N qui et c’était N ne sont attestés qu’en RO. Cette construction prédicative, extrêmement fréquente à l’oral en général, permet de produire des prédications particulièrement élémentaires dans le cas de c’est/c’était N.

64En RE, on trouve six relatives (sur 10 restitutions) et elles sont introduites par que (comme dans le TS). Des réductions de la prédication verbale source à un groupe nominal apposé ne sont attestées qu’à l’écrit (3 occurrences : Fl, Hu, S). Neuf prédications écrites sur 10 sont des prédications secondes (O fait exception avec une prédication autonome).

65Observons maintenant plus précisément quelle procédure de reformulation a été mise en œuvre pour restituer la prédication (P2b) à l’oral et à l’écrit, on pourrait dire également pour passer d’une prédication source à une prédication restituée. Nous définissons la reformulation comme : Tout processus de reprise d’un énoncé antérieur qui maintient, dans l’énoncé reformulé, une partie invariante à laquelle s’articule le reste de l’énoncé, partie variante par rapport à l’énoncé source (Martinot 1994, 18-20). L’énoncé antérieur est ici la prédication source. La partie invariante, comme la partie variante se situent soit au niveau du lexique, soit de la construction, soit du sens. Quand le lexique, la construction et le sens sont identiques (entre énoncé source et énoncé reformulé), la reformulation est une répétition, rarement stricte ou complète dans la langue écrite ou orale spontanée. Quand le changement a lieu au niveau sémantique, tandis que le lexique et/ou la construction sont identiques, la reformulation est un changement de sens11, et, quand on évalue qu’il y a une équivalence sémantique entre l’énoncé source et l’énoncé reformulé, avec changement de lexique et/ou de construction, la reformulation correspond à différents types de paraphrases, analytiques, synthétiques, formelles ou sémantiques 12. Lors de l’analyse des procédures de reformulation, il est fréquent que les changements affectent au-moins deux niveaux linguistiques, l’analyste doit donc déterminer le changement majeur, celui qui entraîne éventuellement les autres. Les changements morphologiques ne sont pas pris en compte dans cette analyse mais uniquement les changements (ou non) sémantiques, lexicaux et syntaxiques.

66Les procédures de reformulation utilisées par les locuteurs-scripteurs, pour passer de la prédication source que personne n’avait encore jamais vue à leur restitution, sont presque toutes différentes entre RO et RE.

67On ne voit aucune répétition en RO, tandis que Md, I, Ma, G et Mo produisent une reformulation par répétition (REP)13 en RE du fait qu’ils reprennent la même construction, le même verbe prédicatif et le même sujet.

68En RE, les trois étudiants qui ont restitué la prédication source par un groupe nominal réduit, apposé, (Fl, Hu, S) ont procédé à une synthèse lexicale14, puisqu’ils ont synthétisé le contenu sémantique de (P2b) source en un adjectif prédicatif nouvelle.

69Enfin, l’étudiant O (RE) a produit une prédication autonome en extrapolant à partir du co-texte : Julie arriva – nouvelle école. Ces deux informations ne se trouvent pas dans le TS sous cette forme, mais ne peuvent en aucun cas être considérées comme des changements de sens. Ce type de reformulation par extrapolation, très peu présent (quelques enfants de 10 ans) dans nos analyses précédentes, indique ici un tout autre niveau de compréhension et donc de production.

70Quant à A (RE), il modifie le prédicat verbal et produit, pour cette raison, une reformulation par paraphrase sémantique ou interprétative. Cette procédure est la seule à être aussi attestée en RO, chez Ha15.

71Les autres procédures de reformulation attestées en RO sont, chez Fa, Hz et S, des reformulations par prédication nominale (entrée, nouvelle élève, nouvelle camarade).

72Donc, en RO, on trouve trois cas de reformulation par prédication nominale et un cas de paraphrase sémantique ; en RE, cinq cas de répétition, trois cas de paraphrase synthétique lexicale, un cas de paraphrase sémantique et une procédure par extrapolation. Les types de procédures sont plus nombreux en RE, et produisent dans trois cas (réductions à un groupe nominal) de nouvelles prédications complexes. Les mêmes observations seront confirmées dans l’exemple suivant.

73Analysons la restitution d’une prédication (particulièrement) complexe, située dans le dernier quart de l’histoire, la prédication complexe (P2a-P2b) de la séquence 11.

N=15 RO RE
Ha (P2a) Les deux enfants furent *éblouit par la lumière (P2b) à l’intérieur de l’arbre
Fa
O (P2b) Il y eut une lumière très forte qui sortit du tronc d’arbre
Fh (P2a) La lumière les éblouit (P2a) La lumière les *ébloullient
Md
Hz (P2b) Le tronc *sorta une lumière très très belle très magnifique (P2a) tout le monde fut ébloui par cette lumière là
Fl
Hu (l’arbre s’ouvrit) et (P2b) avec une lumière …bah …qui venait de l’arbre (P2a) Une lumière aveuglante (P2b) s’en échappa.
I (P2a) Il y aura de la lumière (pour s’ouvrir) (P2a) dans un éclat merveilleux
Ma (P2a) Il y a une grande lumière qui les éblouit
S (P2a) Il y *avais une lumière très puissante
G
A (P2b) Cette porte ouverte *dégager beaucoup de lumière de l’intérieur d’elle-même
Fd (P2a) *Un lumière *resplan|dissante (P2b) sortait de l’arbre.
Mo (P2a) Ils furent éblouis par une grande lumière (P2b) qui leur ouvrit une porte (P2b) une lumière surgit de l’intérieur de l’arbre et (P2a) éblouit les deux enfants.
Total (P2a) : 5 occ. (P2b) : 4 occ. (P2a) : 7 occ. (P2b) : 5 occ.

74Le nombre de restitutions est un peu plus élevé en RE qu’en RO, mais reste faible dans les deux media et davantage pour (P2b). Quatre étudiants seulement ont produit à la fois une RO et une RE. Parmi les étudiants qui ont restitué (P2b) qui inondait l’intérieur de l’arbre, aucun n’a repris la métaphore, ni à l’oral, ni à l’écrit. Comme nous l’avons écrit en partie (2), les adjectifs verbaux ne sont attestés qu’en RE (Hu, Fd), ils sont tous les deux en position prédicative. Les réductions d’une des deux prédications sources en un groupe prépositionnel sont différentes à l’oral et à l’écrit avec une seule occurrence en RO : avec une lumière (Hu), et deux occurrences en RE : à l’intérieur de l’arbre (Ha), dans un éclat merveilleux (I). On compte en RO deux prédications complexes : Hu et Mo, avec un changement de sens en (P2b) chez Mo. En RE, on en compte quatre : Ha, Hu, I, Fd. Les relatives (en dehors des dispositifs en il y a N qui) ne sont que deux en RO : Hu, Mo, et sont absentes en RE, alors que la prédication source (P2b) est introduite par qui. La différence de complexité entre RO et RE est moins nette que dans la séquence 1, à l’exception des (deux) adjectifs verbaux prédicatifs, qui ne sont attestés qu’en RE. Il semble donc que la complexité de (P2a-P2b) ne soit pas compensée par la deuxième lecture de l’histoire, précédée d’une première restitution (RO). Les procédures de reformulation devraient donc être plus proches en RO et en RE qu’elles ne l’étaient pour la restitution de la prédication (P2b) de la séquence 1, ci-dessus.

75En RO, deux étudiants (Hz, Mo) ont répété plus ou moins (P2a) mais Mo a changé le sens de (P2b). En RE, un seul scripteur (Ha) a reformulé par répétition (P2a). Aucun des étudiants n’a donc répété les deux prédications et a fortiori la seconde (P2b).

76Les autres procédures se répartissent entre des procédures communes en RO et en RE et des procédures spécifiques en RE.

77Les procédures communes en RO et en RE sont des reformulations par paraphrase formelle transformationnelle (PFT) qui consistent à transformer le verbe passif de (P2a) à la voix active : Fh en RO et en RE, Ma en RO, Mo en RE. Une procédure de reformulation par prédication nominale pour (P2a) : une occurrence en RO (I), une occurrence en RE (S) dans laquelle le dispositif il y a N permet de produire une prédication particulièrement élémentaire (I : il y aura de la lumière). Une troisième procédure est commune à l’écrit et à l’oral pour restituer (P2b) : trois occurrences respectivement d’une paraphrase sémantique ou interprétative, dans lesquelles les locuteurs-scripteurs interprètent le verbe métaphorique source inondait en sortir (2 occur.) et venir de (RO) et en sortir, échapper, surgir (RE).

78Les procédures spécifiques sont attestées en RE seulement, avec des paraphrases synthétiques (PSL, PSS) pour les deux prédications et une paraphrase analytique définitoire pour (P2b) :

  • Paraphrases synthétiques lexicales : (P2a). Hu - une lumière aveuglante (= qui aveugle), Fd - *un lumière *resplandissante (= qui resplendit)
  • Paraphrase synthétique syntaxique : (P2a). I – dans un éclat merveilleux (= en produisant un éclat merveilleux / et a produit un éclat merveilleux) ; (P2b). Ha – à l’intérieur de l’arbre (= qui se trouvait à l’intérieur de l’arbre)
  • Paraphrase analytique définitoire : (P2b). A - Cette porte ouverte *dégager beaucoup de lumière de l’intérieur d’elle-même, où le scripteur tente de définir assez bien l’idée du débordement dû à une inondation (dégageait de l’intérieur) et l’idée de la grande quantité de lumière.

79Dans nos travaux précédents, nous avions remarqué que les procédures synthétiques de reformulation sont tardives chez les enfants francophones (pas attestées avant 10 ans) parce que, très vraisemblablement, plus difficiles à mettre en œuvre. Le fait que ces procédures ne soient attestées qu’en RE confirme cette observation17.

80On peut remarquer que, même si certaines procédures de reformulation sont attestées, dans la séquence 11, aussi bien en RO qu’en RE (contrairement à ce que nous avons constaté pour la séquence 1), elles sont plus nombreuses en RE (PSL, PSS, PAD) et présentent, pour les paraphrases synthétiques, un certain degré de difficulté dans la mise en œuvre.

81Parmi les quatre étudiants qui ont restitué les deux prédications (P2a, P2b), un seul a procédé de la même façon en RO et en RE dans son organisation prédicative (Fh). Les trois autres ont visiblement complété et complexifié RO dans leur restitution écrite (Hu, I). Quant à Mo qui a changé le sens, en RO, de (P2b), il produit en RE une paraphrase sémantique ou interprétative, et plutôt que de répéter la prédication (P2a) comme il le fait en RO, il la transforme à la voix active, visiblement du fait qu’il a permuté l’ordre des prédications : (P2a-P2b) en RO versus (P2b-P2a) en RE.

82Les changements de forme sont systématiques en RE (séq.11), ils l’étaient beaucoup moins pour la restitution de (P2b) de la séquence 1, décrite plus haut. Comme nous l’avons déjà signalé, l’effet d’une seconde lecture et d’une première restitution (RO) ne joue pas, ou très peu, en dehors du début de l’histoire. Par conséquent, l’organisation prédicative en RO et en RE est davantage déterminée par le mode de restitution (RO versus RE) que par la présence écrite du TS.

3.2.1. Remarques sur le nombre de prédications intégrées

83Nous avons défini plus haut les prédications complexes comme des séquences de prédications dont l’une est syntaxiquement complète, la prédication principale, et l’autre ou les autres réduites et intégrées à la prédication principale (Havu et Pierrard 2012). L’organisation prédicative et sa complexité dépendent aussi du nombre de prédications intégrées. Nous avons donc rassemblé dans l’ensemble des prédications complexes (voir tableau 2), des prédications constituées de 2, 3, 4 ou 5 prédications élémentaires que nous noterons : Pu, Pv, Pw, Px, Py. Nous avons vu que les prédications complexes sont un peu plus nombreuses en RE qu’en RO (tabl.2). En revanche, ce n’est qu’en RO qu’apparaissent des prédications complexes constituées de quatre ou cinq prédications élémentaires même si ces dernières sont en nombre restreint puisque sur l’ensemble du corpus des RO et des RE, on ne trouve que 5 occurrences en RO versus 1 occurrence en RE. On constate donc une plus grande variation dans le nombre de prédications intégrées à l’oral. A l’inverse, aucune prédication complexe en RE n’est constituée de plus de 3 prédications élémentaires, comme dans le TS. C’est sans doute à ce niveau que la seconde lecture du TS a joué un rôle. Mais ce résultat signifie aussi que ce type de complexité prédicative, le nombre de prédications intégrées, est un phénomène maîtrisé par la plupart des locuteurs adultes, en RO comme en RE.

84Exemples 

85Séquence 1

donc (Pu) c’est une maîtresse qui arrive le matin (Pv) dans sa classe (Pw) avec une nouvelle élève (Px) qu’elle tient par la main (Py) donc qui s’appelle Julie

86Une prédication complexe constituée de cinq prédications élémentaires (prédication principale : Pu).

(Pu) C’était un matin en apparence comme un autre. (Pu) Mais cette *matiné là, la maîtresse entra dans la classe (Pv) en tenant par la main une petite fille (Pw) que personne n’avait encore jamais vue

87Une première prédication élémentaire autonome (Pu) puis une prédication complexe constituée de trois prédications élémentaires (Pu – Pv – Pw), dont (Pu) est la principale.

88Séquence 3

(Pu) Tom se mettait … avait avait … se mettait en tête que Julie allait devenir sa nouvelle petite amie et le soir (Pu) en rentrant (Pv) il créa une boîte (Pw) une petite boîte rouge et dorée (Px) pour l’offrir à Julie (Py) sa nouvelle amie

89Une première prédication autonome (Pu) puis une prédication complexe constituée de 5 prédications élémentaires (Pu …Py), dont (Pv) est la principale.

(Pu) Tom était très content car (Pv) il pouvait enfin se faire une amie. (Pu) Une fois la fin des cours (Pv) Tom rentra chez lui et (Pu) créa une boîte ronde, rouge et dorée (Pv) pour sa nouvelle petite amie Julie

90Trois prédications complexes constituées respectivement de 2 prédications élémentaires (Pu – Pv).

91Séquence 11

92Les restitutions de cette séquence dépassent rarement trois prédications intégrées. En voici un exemple avec Mo, ci-dessous, en RO seulement. On remarquera que plusieurs prédications sont ajoutées :

(Pu) Une fois cet arbre découvert (Pv) ils furent éblouis par une grande lumière (Pw) qui leur ouvrit une porte (Px) pour accéder à un jardin

93Une prédication complexe constituée de quatre prédications élémentaires, dont (Pv) est la prédication principale.

Après *quelque *minute (Pu) l’arbre finit par s’ouvrir, (Pu) une lumière surgit de l’intérieur de l’arbre et (Pu) éblouit les deux enfants. (Pu) Ils *entrerent *tout les deux à l’intérieur de cet arbre.

94Quatre prédications élémentaires autonomes, donc aucune prédication complexe en RE.

3.2.2. Remarques sur les prédications supprimées et ajoutées

95La question des prédications supprimées se pose au niveau de l’information fournie par la prédication source, information plus ou moins pertinente pour la suite de l’histoire, mais aussi au niveau de la forme prédicative, plus ou moins complexe dans le TS.

3.2.2. 1. Prédications supprimées en RO et en RE

    Prédications supprimées en RO/RE

  • Séquence 1. P1a : 9/7 – P1b : 11/4 – P2a : 3/1 – P2b : 11/5 - (Total : 34/17)
  • Séquence 3. P1a : 2/0 – P1b : 1/4P2c : 11/7 – P2a : 2/0 – P2b : 6/2 - (Total : 22/13)
  • Séquence 11 : P1 : 2/1 – P2a : 10/8 – P2b : 11/10 – P3 : 8/5 – P4 : 14/9 - (Total : 45/33)

96Le nombre total des prédications supprimées (101 en RO vs 63 en RE) distingue les restitutions orales des restitutions écrites. Les suppressions en RO sont toujours majoritaires, à une exception près (séq. 3 : P1b). En dehors du fait que les RE ont bénéficié d’une seconde lecture et d’une première RO qui facilitent la mémorisation, une autre raison explique cette disparité. Le statut de prédication seconde (noté en italique ci-dessus) semble être une plus grande difficulté en RO qu’en RE pour les séquences 1 et 3, et qui reste une difficulté en RO comme en RE pour la séquence 11.

97Les prédications peu restituées (et donc souvent supprimées) dans les deux media ont une pertinence informative peu décisive pour la suite de l’histoire : séq. 1 : P1a (la maîtresse est arrivée dans la cour de l’école), séq. 3 : P2c (chez lui), séq. 11 : P4 (l’arbre se referma derrière eux). La prédication complexe, dans son ensemble, la plus souvent supprimée est celle de la séquence 11 : (P2a-P2b), qui cumule, comme nous l’avons déjà dit, plusieurs phénomènes complexes : la forme passive du verbe éblouir et le verbe métaphorique d’une relative au statut ambigü qui inondait l’intérieur de l’arbre. Le fait que la séquence 3 soit celle qui ait subi le moins de suppressions, et le moins de différences entre l’oral et l’écrit est vraisemblablement dû au contenu informatif auquel les jeunes adultes du corpus se sont plus facilement identifiés (P2b : pour Julie, a été par exemple très peu supprimée, sous sa forme prédicative18).

98En conclusion, on peut avancer que, indépendamment de la pertinence informative pour la suite de l’histoire, le statut syntaxique de prédication seconde, nécessairement réduite syntaxiquement et par conséquent plus difficile à interpréter qu’une prédication complète, semble être responsable d’une difficulté lors de la restitution orale. Ce critère joue nettement moins en RE. Le cas de la relative de la séquence 11 (P2b) est doublement complexe, d’un point de vue sémantique, du fait de la métaphore, et, d’un point de vue synta|xique, du fait de l’ambiguïté entre le statut de relative déterminative ou explicative (Martinot 2013). Il reste malgré tout surprenant qu’aucun locuteur-scripteur n’ait conservé la métaphore dans sa restitution de qui inondait l’intérieur de l’arbre.

3.2.2. 2. Prédications ajoutées en RO et en RE

99La question des prédications ajoutées ne se pose pas au niveau de la forme, relativement au TS, mais uniquement au niveau de l’information, cohérente ou non avec le co-texte.

100Le nombre d’ajouts prédicatifs est plus élevé en reformulation orale (RO : 24) qu’en reformulation écrite (RE : 9), de même que le nombre des suppressions était aussi plus élevé à l’oral (3.2.2.1, ci-dessus).

101La différence importante (24 en RO vs 9 en RE) dans le nombre d’ajouts prédicatifs signale une spécificité à l’oral qui n’est que quantitative. En effet, dans les deux media, ces ajouts correspondent à des explicitations situationnelles :

RO. Fa (séq.1) - donc il est à l’école

il travaillait à l’école

ils étaient dans la cour de récréation

Tom est dans la cour de récré il attend sa professeure

Un jour dans la cour de récréation, Tom attend sa professeure

C’était un matin en apparence comme un autre

(ils sont rentrés) et *vit un monde merveilleux

(l’arbre a ouvert une porte) qui … qui amène comme dans un autre monde

et (ouvra un passage) vers un monde merveilleux

(le tronc de l’arbre s’ouvrait) et tous tous les jeunes étaient surpris

(suite à l’ouverture du tronc) qui avait étonné les élèves

Guidé par Julie (Tom y entra)

102Ou bien à des formules rituelles de début d’histoire (Saint-Pierre 2012) :

donc c’est l’histoire de Tom et Julie

donc c’est l’histoire de… d’un petit enfant qui s’appelle Tom

Il était une fois, Julie arriva dans une nouvelle école

alors c’est l’histoire d’un jeune dans une classe

103ou encore à des annonces:

donc le soir même en fait ce qui va se passer

ce qu’il fait c’est que …

Bilan intermédiaire

104Nous avons comparé dans la partie 3, les informations sources restituées ou non en RO et en RE, puis les prédications sources restituées selon le medium, leur nature complexe ou autonome. Nous avons ensuite analysé en détail deux exemples de façon à pouvoir comparer systématiquement, pour chacun des 15 locuteurs-scripteurs de quelle façon sont restituées les trois prédications sources prises en exemple (P2b en séq.1 et (P2a-P2b) en séq.11) : degré de complexité et procédures de reformulation mises en œuvre. Dans la séquence 1, les procédures de reformulation sont différentes à l’oral et à l’écrit, dans la séquence 11, trois procédures sont communes et trois procédures sont spécifiques à l’écrit.

105A l’échelle de l’ensemble du texte source, nous avons complété l’analyse ci-dessus par trois remarques sur le nombre de prédications intégrées dans les prédications complexes et avons constaté une relative uniformité en RE : les prédications complexes ne sont jamais constituées, comme c’est le cas dans le TS, de plus de trois prédications élémentaires, tandis qu’à l’oral, certains locuteurs produisent des prédications complexes allant jusqu’à cinq prédications élémentaires. La partie 3 se termine par des remarques sur les prédications supprimées et ajoutées, phénomènes qui influent également sur l’organisation prédicative générale. Là encore, les RO se distinguent des RE : plus d’ajouts et plus de suppressions en RO. Du point de vue de la complexité, ce sont les prédications réduites qui sont plus souvent supprimées en RO.

106On peut donc conclure sur la question de l’organisation prédicative en RO et en RE en disant qu’elle est très différente. A deux exceptions près, en séquence 1 uniquement, les locuteurs-scripteurs procèdent toujours différemment en RO et en RE comme l’illustre l’exemple suivant :

Tom il est content à l’idée que il a une nouvelle amie tout ça le lendemain non le soir même Tom il lui prépare une boîte pour Julie pour lui offrir le lendemain

Tom était tout content et *exciter d’avoir une *cammarade de classe et se dit que ça sera son amie. En rentrant *a la maison le soir même Tom fabriqua une boîte ronde *coloré en rouge et doré pour l’offrir à Julie.

Conclusion et discussion des résultats

107La restitution du même texte source par les mêmes locuteurs-scripteurs, et dans des conditions de production très comparables, malgré l’incontournable contrainte de succession chronologique de la seconde restitution qui bénéficie nécessairement de la première expérience des locuteurs, permet de neutraliser, le plus possible le contenu informatif, d’autant que ce contenu, cette substance, est particulièrement facile à interpréter et à restituer par de jeunes adultes. Le choix des formes utilisées à l’oral puis à l’écrit est donc dicté essentiellement par le medium et dans une faible mesure par les formes du TS, les formes différentes (TS /restitution) étant plus nombreuses en RO.

108L’analyse du contenu informatif restitué, c’est-à-dire les informations « brutes », indépendamment des constructions prédicatives dans lesquelles elles sont actualisées, révèle une grande différence dans la restitution des informations à l’oral et à l’écrit. Ce résultat est a priori attendu puisque la RE est faite à la suite d’une seconde lecture et d’une première restitution. Il va à l’encontre de notre première hypothèse : le contenu informatif n’est pas le même, quantitativement, à l’oral et à l’écrit. Ce résultat est cependant surprenant dans la mesure où le texte lu est très facile à mémoriser. Du point de vue de l’enseignement de la langue, il apparaît qu’un travail fréquent de restitution orale soit nécessaire, avec un focus sur la restitution des prédications (ou des mots lexicaux) complexes.

109Par ailleurs, malgré la seconde lecture, les informations en restitution écrite ne sont pas toutes restituées par une majorité de scripteurs. Ces résultats (voir tabl.1) indiquent pour le moins une grande disparité entre les locuteurs-scripteurs. Ils indiquent aussi et surtout, ce que la restitution des prédications confirme ensuite, que les prédications sources réduites dans le TS réservent une certaine difficulté en restitution orale notamment, cette difficulté étant en grande partie surmontée à l’écrit. Il apparaît aussi que les phénomènes complexes des RE soient différents des phénomènes complexes du TS. Cela signifie que les scripteurs ont, pour une partie d’entre eux, une bonne maîtrise de l’écrit mais cela signifie aussi que des activités d’appropriation de l’organisation prédicative, style, lexique et constructions syntaxiques variées, d’un TS seraient sans doute bénéfiques. En effet, la seconde lecture, avant la passation écrite, et le passage d’un texte écrit (TS) à un texte écrit (RE) est loin d’expliquer l’organisation prédicative des RE. L’influence du TS écrit est certes visible dans la plus grande quantité d’informations restituées à l’écrit, mais le changement de sens de (P1b - séq.1 : la maîtresse est arrivée plus tard que d’habitude > RE - elle est arrivée en retard) est plus fréquent en RE qu’en RO. Dans la séquence 3, un seul étudiant en RE reprend à l’identique fou de joie, et aucune relative n’est attestée en RE dans la séquence 11 (TS – qui inondait l’intérieur de l’arbre). L’impact de la seconde lecture du TS semble donc se limiter au fait que les prédications complexes en RE soient constituées de deux ou trois prédications élémentaires, comme dans le TS. Malgré cela, le nombre total (dans les trois séquences) des prédications complexes pour les RE est bien plus faible que dans le TS (32% versus 78% dans le TS).

110Cette étude n’indique que quelques tendances. Il faudrait non seulement analyser la restitution des 14 prédications constituant les trois séquences prises en compte, mais idéalement toutes les séquences du TS. Il faudrait également compléter l’analyse essentiellement synta|xique que nous avons faite par une analyse du lexique. A première vue, les locuteurs-scripteurs n’emploient pas le même lexique en RO et en RE et ce lexique est différent de celui du TS (sauf pour les prédications extrêmement élémentaires comme le tronc s’ouvrit, séq.11, par ailleurs difficilement paraphrasables).

111Les spécificités linguistiques de l’oral et de l’écrit se manifestent d’une part dans l’utilisation ponctuelle de catégories grammaticales et énonciatives exclusives (par exemple : adverbes fréquents et adjectifs verbaux uniquement en RE, marqueurs discursifs et modalisateurs attestés en RO seulement) et d’autre part dans l’organisation prédicative. Celle-ci révèle une plus grande quantité d’informations et de prédications en RE et des procédures de reformulation spécifiques.

112Si certaines procédures, concernant les exemples analysés, sont communes à l’oral et à l’écrit : paraphrases sémantiques ou interprétatives (que personne connaissait auparavant, séq.1, tabl.3), reformulations paraphrastiques par prédication nominale (c’était une nouvelle élève, il y aura de la lumière, tabl. 3 & 4), très fréquentes en RO, reformulations avec changement de sens, paraphrases formelles transformationnelles (la lumière les éblouit, tabl.4), d’autres ne sont attestées qu’en RE : répétitions, paraphrases par synthèse lexicale (nouvelle dans l’établissement, une lumière aveuglante, tabl. 3 & 4), paraphrase par synthèse syntaxique ([s’ouvrit] dans un éclat merveilleux, tabl.4), paraphrase par analyse définitoire (A – P2b, tabl.4), reformulation par extrapolation (Julie arriva dans une nouvelle école, tabl.3). Cette dernière procédure n’avait pas été répertoriée chez les enfants (6 à 10 ans). Les procédures synthétiques (du point de vue lexical ou syntaxique), attestées uniquement en RE, sont des procédures à la fois complexes dans leur mise en œuvre et produisant des prédications réduites. Les reformulations par extrapolation sont utiles dans la pratique du résumé. Ces deux dernières procédures pourraient constituer une piste à exploiter dans la pratique de l’écrit.

Annexe

Tom et Julie

1131) Ce matin-là, la maîtresse est arrivée dans la cour de l’école plus tard que d’habitude. Elle tenait par la main une petite fille que personne n’avait encore jamais vue.

1142) Arrivée en classe, la maîtresse a dit : « Les enfants, je vous présente votre nouvelle camarade, elle s’appelle Julie. Tom, la place est libre à côté de toi, Julie sera ta voisine, sois bien gentil avec elle ! »

1153) Tom était fou de joie à l’idée d’avoir peut-être une nouvelle amie. Le soir, chez lui, il a fabriqué une petite boîte ronde, rouge et dorée, pour Julie.

1164) Le lendemain matin, dans la cour de l’école, Tom guettait l’arrivée de sa nouvelle petite voisine. Dès qu’il l’a aperçue, il s’est dirigé vers la fillette et lui a tendu la boîte qu’il avait fabriquée pour elle, la veille.

1175) Julie aimait tellement cette boîte qu’elle la prenait toujours avec elle. Quand la maîtresse disait : « Sortez vos affaires ! », Julie posait délicatement la boîte entre Tom et elle, sur leur table de travail.

1186) Un jour, Julie chuchota à Tom : « Ouvre la boîte ! » Tom souleva le couvercle et découvrit un morceau de papier sur lequel Julie avait écrit : « Je t’attends ce soir à 8h, sous le gros arbre, à l’entrée de la forêt ».

1197) Tom avait un peu peur parce qu’il lui était interdit d’aller dans la forêt, surtout la nuit.

1208) Mais à 8h du soir, il était tout de même au rendez-vous, Julie l’attendait déjà.

1219) Sans dire un mot, la petite fille prit la main de Tom et frappa 3 fois sur le tronc du gros arbre.

12210) Au bout de quelques minutes, les enfants entendirent un grincement. L’arbre était en train de tourner sur lui-même.

12311) Tout à coup, le tronc s’ouvrit et les enfants furent éblouis par la lumière qui inondait l’intérieur de l’arbre. Ils firent quelques pas et l’arbre se referma derrière eux

12412) Tom et Julie se trouvaient dans un jardin merveilleux où les fleurs semblaient se parler en chantant. Alors Julie dit à Tom : « Viens, traversons le jardin, il y a une grande fête pour toi, ce soir. Jusqu’à minuit, tu as le droit de demander à notre Roi tout ce que tu veux ».

12513) Tom a répondu : « Je veux apprendre à parler avec les oiseaux qui savent tout ce qui se passe dans le ciel, avec les poissons qui savent tout ce qui se passe dans l’eau et avec les fourmis qui savent tout ce qui se passe sur la terre ».

12614) Et depuis ce jour, Tom est devenu un enfant extrêmement savant.

    Notes

  • 1 Une prédication seconde est une prédication réduite, intégrée dans une prédication principale avec laquelle elle constitue une prédication complexe (Cadiot & Furukawa 2000 ; Havu & Pierrard 2012). Ex. Dans la cour de récréation, la maîtresse est arrivée en retard. Le complément prépositionnel antéposé à la prédication principale est la réduction de la prédication élémentaire : quand on était dans la cour de récréation. Les relatives explicatives ou appositives sont également des prédications secondes, certains gérondifs (Martinot 2016), certains adjectifs en position prédicative…
  • 2 Il s’agit bien entendu des mots lexicaux. La conscience linguistique de la plupart des locuteurs est opératoire aux niveaux sémantique et textuel : cf. consigne « raconte la même histoire », et dans une moindre mesure au niveau lexical : « avec tes mots ». Très peu de locuteurs ont une conscience linguistique qui se situe aux niveaux morphologique, syntaxique et phonologique.
  • 3 Seconde lecture qui réactive la première lecture.
  • 4 Le style résulte, entre autres, du mode d’organisation prédicative.
  • 5 Quand un énoncé équivalent est attesté en RO, chez le même locuteur, nous l’indiquons à la suite de l’énoncé écrit. La comparaison fait ressortir la présence du phénomène en question en RE seulement.
  • 6 La lumière surgit du tronc est décomposable en la lumière sortit du tronc en faisant cela de façon soudaine et inattendue (Ibrahim 2015)
  • 7 Que l’on désignerait par (P1-2), ramener étant le prédicat qui synthétise arriver et tenir par la main.
  • 8 On pourrait admettre qu’il s’agit plutôt d’une répétition, plutôt que d’une équivalence sémantique, dans la mesure où le verbe prédicatif est le même.
  • 9 Cette information est, dans ce cas, une prédication (réduite), que l’on reconstruit en : qui était une nouvelle élève.
  • 10 Nous ne comptabilisons pas les prédications ajoutées.
  • 11 Dans le cas qui nous occupe, les changements de sens correspondent le plus souvent à une incompréhension. Dans d’autres cadres, les reformulations avec changements de sens peuvent être la règle (cf. les discussions polémiques à l’Assemblée nationale, Steuckardt 2007)
  • 12 Chez des enfants de 6 à 10 ans, dans quatre langues maternelles différentes, nous avons répertorié sept types de paraphrases en plus de la répétition et du changement de sens (Martinot et al. 2018, 15-25).
  • 13 Les changements infimes sont négligés.
  • 14 Paraphrase par synthèse lexicale (PSL)
  • 15 On aurait pu étiqueter cette procédure comme une paraphrase par synthèse lexicale (PSL), mais comme la relative qui est inconnue (Ha) ne réduit pas davantage la relative source, le changement le plus important est ailleurs : équivalence sémantique entre personne n’avait encore jamais vu cette petite fille et l’élève est inconnue.
  • 16 Le statut de la relative est ambigü : explicative ou déterminative ? Dans le 1er cas, on a deux prédications, dans le second, une seule. Pour garder le même principe de découpage en prédications élémentaires, nous privilégions l’analyse de la relative en une explicative (Cadiot & Furukawa 2000).
  • 17 La difficulté et la complexité doivent être distinguées : la première est relative à chaque locuteur-scripteur, tandis que la seconde est « objective ». Les phénomènes linguistiques complexes (à chaque fois que le contenu informatif est véhiculé par une forme compacte) entrainent des difficultés de compréhension et de production chez les locuteurs-scripteurs peu experts (Martinot 2013).
  • 18 Les locuteurs-scripteurs auraient en effet pu remplacer la prédication réduite pour Julie par un pronom clitique (il lui a fabriqué…)

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Détails de la publication

Publié dans:

Doquet Claire, Lefebvre Julie, Mahrer Rudolf, Testenoire Pierre-Yves (2022) Oral/écrit: Quelles places dans les modèles linguistiques?. Linguistique de l’écrit Special Issue 3.

Pages: 167-209

DOI: 10.19079/lde.2022.s3.6

Citation complète:

Martinot Claire, Lambert Valérie, 2022, Comparaison oral/écrit dans des rappels de récits produits par des jeunes adultes scolarisés de 19 ans. Linguistique de l’écrit 3, Oral/écrit: Quelles places dans les modèles linguistiques?, 167-209. https://doi.org/10.19079/lde.2022.s3.6.