Linguistique de l’écrit

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Conference | Intervention

Formes analytiques et synthétiques entre l'oral et l'écrit en français moderne et leurs implications pour les modèles linguistiques et didactiques

Jan Lindschouw

mercredi 4 décembre 2019

11:15 - 12:00

La présente proposition de communication a pour but d’étudier un sujet grammatical traditionnel dans une perspective variationnelle et ses implications pour la dichotomie entre l’oral et l’écrit en français contemporain ainsi que sa place dans les modèles linguistiqueset didactiques. Cette proposition est axée sur le rapport entre les formes verbales synthétiques (en l’occurrence le futur morphologique et le passé simple) et leurs formes verbales analytiques ‘correspondantes’ (en l’occurrence le futur analytique et le passé composé à valeur aoristique) dont la distribution, la valeur sémantico-fonctionnelle et laconnotation sociale varient considérablement dans les médiums écrit et parlé en français moderne. Force est de constater que les formes analytiques et synthétiques sont grosso modo réservées à leur propre médium de réalisation spécifique. En d’autres termes, les formes analytiques ont tendance à être réservées aux genres textuels proches de l’oralité,ou de l’oral représenté (terme emprunté à Marchello-Nizia 2012 et à Guillot et al.2015), alors que les formes synthétiques se trouvent en particulier dans les genres textuels proches de l’écrit (Jeanjean 1988, Hansen & Strudsholm 2006, Lindschouw 2011, 2013, Lindschouw & Schøsler 2016).

Nous partons de l’hypothèse selon laquelle il est impossible de séparer l’opposition entre l’oral et l’écrit du reste du diasystème, en particulier de la variation diaphasique (ou situationnelle) et diastratique (sociale) (Gadet 2007, Jeppesen Kragh & Lindschouw 2015: XIII-XIV). Plutôt que de constituer une dichotomie entre formalité et non formalité, l’écrit et l’oral représentent un continuum entre des traits (extra-)linguistiques typiques pour une communication écrite ‘formelle’ et des traits (extra-)linguistiques typiques pour une communication orale ‘informelle’ (Koch & Oesterreicher 2001, Givón 1979). Il importe cependant de souligner que la plupart des échanges écrits et oraux occupent des positions intermédiaires entre ces deux pôles (il suffit des penser à l’influence des médias sociaux, cf.Stark 2015), même pour une langue extrêmement normée comme le français, dans laquelle il existe jusqu’à un certain point une diglossie entre l’écrit et l’oral, où l’écrit représente la variété haute et prestigieuse et l’oral la variété basse (Lodge 1989).À partir d’une analyse sur des corpus écrits et oraux (Frantext, CFPP2000) des formes verbales synthétiques et analytiques dans le domaine du futur et du passé, nous nous proposerons d’étudier la distribution, les valeurs sémantico-fonctionnelles de même que les connotations sociales de ces formes en français contemporain dans les genres textuels proches de l’écrit et de l’oral pour nous interroger ensuite sur ses implications théoriques pour la théorie du langage et pour l’enseignement des langues. Quelle opposition de marquage tant d’ordre morphologique, sémantique que textuel (Givón 1990: 947, Andersen 2001) existe-t-il entre les formes analytiques et synthétiques? Quelle place faut-il accorder à ces formes dans la théorie linguistique si certaines d’entre elles semblent en voie de réduction, voire de disparition? Et quelles seront les implications didactiques qui en découlent? Comment faut-il désormais enseigner des formes linguistiques qui n’ont pas la même fréquence et distribution dans les genres ‘oraux’ et ‘écrits’et le même statut social par rapport à la norme française?