Linguistique de l’écrit

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Conference | Intervention

Le rapport écrit / oral à l'épreuve de discours à l'Académie française

Anne-Catherine Simon

mercredi 4 décembre 2019

15:45 - 16:30

Les discours prononcés aux séances publiques de l’Académie française constituent un corpus intéressant pour analyser le rapport entre des textes écrits‐pour‐être-dits et leur contrepartie oralisée. L’écrit y est non seulement préparatoire à la prestation orale (Mahrer 2014) mais aussi compagnon de celle‐ci, puisque l’auditoire reçoit une version imprimée des discours prononcés. En outre, ces discours sont publiés à la suite des séances académiques, ce qui les rend potentiellement aussi immortels que leurs auteur∙es1. Ils constituent autant des archives de la vie de cette institution que des sources de corpus pour l’étude du rapport écrit / oral, aspect qui a retenu notre attention.

Dans cette contribution, nous comparons les textes écrits et oraux, en analysant d’une part les adaptations du texte écrit dans le processus de lecture publique et, d’autre part, les relations entre la matérialité graphique des textes (mise en forme, découpage en paragraphes, ponctuation, etc.) et leur matérialité phonique (pauses, intonation, accentuation, rythme, etc.3).

L’analyse des divergences entre la version écrite et oralisée des discours a permis de relever de nombreuses variantes, de trois types : ajouts, suppressions et substitutions4. Alors que certaines variantes peuvent s’expliquer par la gestion de la performance orale (disfluences, recherche d’expressivité, clarté de la progression), d’autres semblent relever de choix liés à une norme intériorisée de ce qu’on peut dire mais pas nécessairement écrire (passés composés remplaçant à l’oral des passés simples du texte écrit, sujets disloqués, etc.). Cette étude est donc l’occasion de tester l’adéquation du modèle « langue de la distance – langue de la proximité » proposé par Koch & Osterreicher (2001), selon lequel la dimension « conceptionnelle » aurait un pouvoir explicatif supérieur à l’opposition strictement médiale (Gadet 2017).

Nous analysons également la matérialité graphique et phonique des textes, et plus précisément la segmentation réalisée par les blancs, la ponctuation ou la typographie à l’écrit (Favriaud 2018) et par les sous‐systèmes de la prosodie à l’oral (Auchlin & Simon 2003, Mertens & Simon 2013). Nous mettons en parallèle, pour des échantillons du corpus, le découpage graphique et le découpage prosodique. Interrogeant des unités du niveau de la séquence fonctionnelle (Bilger & Campione), de la phrase (Benzitoun & Sabio 2010, Berrendonner 2017), de la période (Béguelin 2002, Berrendonner 2017) ou du paragraphe (Morel 2011, Arabyan 2016), cette analyse montre que, dans ces discours académiques, la ponctuation sous‐détermine largement la réalisation des pauses et des indices de coupe à l’oral, ces derniers étant également induits par un facteur stylistique (Léon 1993 ; Simon,